Lydie Hamon, fondatrice et dirigeante de la société Here & There, basée à Châteaugiron (35), revient sur près de vingt ans d’engagement dans l’exportation de produits destinés à l’alimentation animale.
Forte d’une solide expérience dans ce secteur, elle créé Here & There avec l’ambition de valoriser le savoir-faire français, notamment dans le domaine des produits laitiers pour jeunes animaux. Elle s’attache à adapter chaque offre aux besoins spécifiques de ses clients et de ses partenaires en proposant des solutions sur mesure et un accompagnement individualisé.
Son approche personnalisée, fondée sur l’écoute et la construction de relations de confiance, va bien au-delà de la simple vente de produits.

 


 

Pouvez-vous nous présenter votre entreprise et nous expliquer ce qu’elle fait ?

 

L’offre de Here & There compte deux gammes distinctes.  D’une part, nous fabriquons nos propres produits : des aliments d’allaitement pour les jeunes veaux ainsi que des noyaux laitiers et des aliments d’allaitement pour les porcelets. Ce sont des produits élaborés sous notre marque, selon nos propres formules et avec nos matières premières
D’autre part, nous faisons du négoce de matières premières qui peuvent entrer dans la composition d’aliments pour animaux ou des ingrédients pour l’alimentation humaine.

Nous réalisons 100 % de notre chiffre d’affaires à l’export, principalement vers des pays tiers.  Here & There a vu le jour en 2006. Aujourd’hui, nous sommes trois personnes dans la société.  Dès l’origine, mon objectif était de me consacrer exclusivement à l’export, d’où le nom Here & There, que je considère presque comme un concept.

Sur quels marchés êtes-vous présent ?

 

Notre marché principal est l’ASEAN. Plus de 90 % de notre chiffre d’affaires provient de cette région. Nous sommes présents dans tous les pays d’Asie du Sud-Est à l’exception de la Chine.

En 2008, face à la crise internationale et la fermeture de plusieurs marchés Européens, nous avons su anticiper les évolutions en diversifiant notre stratégie en nous tournant vers l’Asie. Cette même année, j’ai participé à mon premier salon avec BCI au VIV Asia à Bangkok. Cela m’a permis de nouer des contacts à travers toute l’Asie.

 

L’international c’est savoir saisir les bonnes opportunités au bon moment, grâce à une stratégie commerciale flexible et adaptée à chaque contexte local.

 

En termes de déploiement, quelle est votre stratégie ?

 

Notre entreprise opère en direct depuis la France, mais nous adaptons systématiquement notre approche selon les besoins. Certains marchés, notamment en Asie ou en Amérique du Sud, ne fonctionnent efficacement que par l’intermédiaire de distributeurs ou de grossistes. Dans d’autres pays, ce sont uniquement les fabricants d’aliments qui achètent directement nos produits. Cette double approche, vente directe ou via des intermédiaires, nous permet de répondre au mieux aux attentes locales et d’optimiser notre présence commerciale.

Par ailleurs, le succès à l’international repose souvent sur des rencontres. Chez nous, la majorité de nos clients sont fidèles depuis près de vingt ans. Cette longévité s’explique par la relation de confiance et d’estime mutuelle que nous avons su établir, et qui perdure au-delà des changements de collaborateurs ou de dirigeants au sein des entreprises clientes.

 

Quels sont les critères essentiels pour aborder sereinement un nouveau marché ?

 

Se lancer à l’export exige une véritable ouverture d’esprit et une adaptation aux spécificités de chaque marché.

Il est crucial de s’entourer de collaborateurs capables de comprendre ces différences et de s’investir sur le long terme, car les résultats ne sont généralement visibles qu’au bout de trois ans. La fidélisation des partenaires repose sur la bienveillance et l’attention portée à la relation. Il est essentiel de se rendre régulièrement sur place, d’apporter des conseils pertinents et d’accompagner ses partenaires pour instaurer une confiance durable.

Le choix du moment est également déterminant : s’orienter vers l’export uniquement lorsque le marché national est en difficulté est souvent une erreur. Il est en effet indispensable d’étudier attentivement chaque marché avant toute exportation. Il faut notamment prendre en compte les réglementations locales, s’assurer de la possibilité d’obtenir les certificats sanitaires requis et vérifier la conformité du produit aux exigences du pays de destination. Par exemple, des événements sanitaires peuvent entraîner des restrictions soudaines. La récente apparition de cas de fièvre aphteuse dans certains pays européens a conduit plusieurs États à interdire l’importation de produits en provenance d’Allemagne, même en l’absence de risque direct pour l’homme, l’impossibilité d’exporter vers des pays sous sanctions. De telles situations peuvent fermer brutalement les marchés et ignorer ces contraintes conduirait inévitablement à l’échec.

Le travail préparatoire est donc primordial. Il s’agit de collecter toutes les informations nécessaires, de comprendre le contexte local et de se conformer aux exigences réglementaires spécifiques à chaque pays. C’est dans ce cadre notamment que nous pouvons faire appel à BCI, qui nous accompagnent dans la recherche d’informations, l’orientation stratégique et la préparation aux différentes contraintes réglementaires imposées par les marchés étrangers.

Enfin, s’agissant de l’Asie notamment, c’est un marché qui demande du temps. Il est nécessaire de constituer des dossiers d’enregistrement, ce qui reste long aujourd’hui, même quinze ans après nos débuts. Il faut être patient et ne pas craindre d’investir.

 

Travailler en Asie, c’est s’adapter à une mosaïque de cultures et de pratiques, en ajustant sans cesse son approche marché.

 

Que pouvez-vous nous dire de l’approche culturel en Asie ?

 

Travailler en Asie, c’est d’abord comprendre que l’on ne parle pas d’un bloc homogène, mais d’un ensemble de pays extrêmement diversifiés, tant sur le plan culturel que réglementaire. Chaque pays possède ses propres codes, contraintes et pratiques, qu’il s’agisse de la Corée du Sud, très développée, ou de pays en développement comme le Laos ou le Cambodge, où les réalités économiques et agricoles sont très différentes. Il est donc fondamental de distinguer deux axes majeurs d’adaptation : l’approche culturelle et la pratique des affaires d’un côté et l’adaptation aux besoins locaux de l’autre. Les conditions climatiques, le taux d’humidité, les espèces animales, le mode d’élevage diffèrent d’un pays à l’autre. Cela implique d’adapter notre offre et nos solutions aux réalités locales.

La fidélité commerciale varie également selon les pays. Certains pays acheteurs peuvent rapidement changer de fournisseurs si la situation internationale évolue, comme lors des tensions commerciales actuelles entre les États-Unis et des pays comme le Vietnam, le Cambodge…qui obligent les entreprises locales à envisager d’autres partenaires, notamment européens.

Enfin, les pays d’Asie du Sud-Est entretiennent déjà des liens étroits avec l’Europe et valorisent particulièrement le savoir-faire français, surtout dans l’agriculture. Le « Made in France » jouit d’une excellente réputation, associée au luxe et à la qualité.

 

Quels autres points de vigilance sont à prendre en compte selon vous ?

 

Il est impératif de sécuriser ses paiements. De nombreux pays acceptent la lettre de crédit, qui constitue une garantie appréciable. Toutefois, il convient de rester très vigilant face aux risques de fraude et savoir que malgré tout le risque zéro n’existe pas malgré les précautions prises.

Un autre risque à évaluer pour les primo-exportateur, concerne la collaboration avec ses distributeurs. Il faut par exemple bien réfléchir avant d’accorder une exclusivité à un partenaire car celui-ci peut freiner votre développement s’il travaille déjà avec des concurrents.

A noter également qu’un service logistique performant est indispensable, surtout dans le contexte actuel où le transport maritime subit de fortes perturbations. Ces dernières années, le secteur maritime a connu de nombreuses réorganisations et, plus récemment, la fermeture du canal de Suez due à la situation en mer Rouge a fortement impacté le trafic mondial. Face à ces défis, il est crucial d’être bien préparé. Nous concernant, nous maitrisons l’ensemble de la chaîne de la production à la livraison, et choisissons avec soin les navires adaptés ce qui nous permet de garantir la fiabilité des arrivées. Les opérations de dédouanement vont reposer sur la vigilance lors de la rédaction des documents export. On ne peut pas exporter sans un bon service ADV export.

Enfin il ne faut pas perdre de vue que les marchés évoluent en permanence. Outre les évolutions réglementaires il est crucial d’anticiper les nouvelles tendances produits. Une veille constante est indispensable, afin de pouvoir se développer et trouver de nouveaux marchés.

 

Vous avez participé à de nombreux salons à l’étranger, avec BCI notamment. Vous pouvez nous en parler ?

 

Mon entreprise est adhérente à BCI depuis sa création et j’ai donc participé à de nombreux salons à l’étranger grâce à BCI.  Les salons sont pour nous un outil essentiel pour prospecter de nouveaux clients et aborder de nouveaux marchés. Nous participons généralement à deux ou trois salons par an.

Dès le lancement de ma société, j’ai pu bénéficier des aides régionales destinées aux primo-exportateurs souhaitant exposer à l’international, ce qui a été un avantage considérable. A cet égard, l’organisation des salons proposée par BCI est très précieuse. Tout est prêt à notre arrivée, ce qui représente un gain de temps et de logistique non négligeable. Être regroupés sous le pavillon France nous permet également de gagner en visibilité. Nos clients ou prospects nous retrouvent facilement. Cela favorise aussi les échanges entre entreprises bretonnes.

Je recommande donc aux primo-exposants de commencer par des salons de taille modeste qui permettent, selon moi, des échanges plus approfondis et des contacts de meilleure qualité.