Mis à jour le 22/07/2022

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Pascal Hiéronimus, prestataire agréé de BCI à Kiev et dirigeant de Est Expansion, société implantée en Ukraine depuis près de 25 ans et spécialisée dans le développement d’entreprise française en Ukraine, propose aux entreprises bretonnes une veille de l’activité économique et business en Ukraine depuis le début du conflit.

Est Expansion se réorganise depuis l’invasion russe et propose cette note afin de partager son expérience et sa vision du terrain sur les dernières semaines, les évolutions de l’activité économique et des opérateurs en Ukraine depuis l’invasion russe.

Focus Filière agricole

Les prévisions de surfaces ensemencées sur cette nouvelle saison en production céréalière sont de l’ordre de 80%, les 20% non ensemencées correspondent à des territoires occupés ou des secteurs minés par les occupants russes avant leur départ des territoires du nord-est principalement. Les assolements ne devraient globalement pas être modifiés. La majorité des fertilisants, semences et produits phytosanitaires ont pu être livrés, certaines difficultés d’approvisionnement en carburant persistent.

La limite des capacités de financements des entreprises agricoles est à ce jour le facteur le plus impactant sur les pronostics de récolte pour les surfaces qui seront ensemencées. Les spécialistes s’accordent sur une baisse de la récolte ukrainienne entre 35 et 45%.

Les difficultés de financement du secteur reste bien à venir puisque la plupart des céréaliers auront un besoin de trésorerie à partir de juillet, moment des premières ventes des céréales. A ce jour, la commercialisation est l’enjeu majeur du secteur, les organismes stockeurs ont encore des stocks de la saison 2021 qui n’ont pas pu être expédiés à cause du blocus des ports maritimes. Ceux-ci exportent traditionnellement 5 à 6 MT par mois. Début avril, les stocks exports étaient estimés à 18MT en Ukraine. La seule solution logistique pour exporter le grain à ce jour est un transit par la Roumanie et la Pologne, mais les capacités ferroviaires sont bloquées à environ 1 MT par mois.

D’un point de vue business au sein de la filière, nous constatons qu’une partie des commandes de matériel agricole est honorée par les clients et par les fournisseurs. Beaucoup d’exploitations ont néanmoins annulé ou repoussé leurs investissements et privilégient l’achat de pièces détachées pour entretenir le matériel existant. Les fournisseurs d’intrants ont globalement honoré leurs commandes et s’organisent pour prévoir la saison suivante, les semenciers intégrant des surfaces complémentaires à l’étranger pour la multiplication destinée à l’Ukraine. Reste à voir comment s’organisera le marché pour les semis de la prochaine campagne si la commercialisation de la récolte de cette année reste bloquée trop longtemps. Les gros exploitant travaillent d’arrache-pied à trouver des solutions pour acheminer la marchandise à l’étranger et augmenter les capacités de stockage temporaire.

Du coté des productions animales, plusieurs cheptels d’exploitations des territoires occupés ou ayant connu l’occupation ont été abattus, certains ont été décimés par manque de nourriture ou d’eau, d’autres abattus pour nourrir la population et l’armée. Les élevages des régions non occupées poursuivent leur activité pour nourrir la population et préserver leur avenir.

Certains fournisseurs étrangers et français de la filière reprennent leurs exportations de prémix, produits d’hygiène animale, désinfectants, génétique animale,etc.  vers l’Ukraine.

Le prépaiement des commandes est majoritairement devenu la norme. Notre expérience terrain permet de confirmer que les paiements en devise de l’Ukraine vers l’Europe fonctionnent normalement, il est également assez aisé de trouver et organiser des transports routiers.

 

Pour aller plus loin : 

Ukraine : Contexte et impact macro-économique depuis le début de l’invasion russe

Directives et mesures de soutien à l’économie par le gouvernement ukrainien

Ukraine : point sur le transport et la logistique