Au sein de BG Ingénierie, entreprise familiale de 18 collaborateurs basée à Châteaubourg (35) et spécialisée dans la fabrication de machines de test pour cartes à puce et passeports, Sylvie Guyot occupe un rôle stratégique au sein du service commercial export.

Véritable référente en matière d’exportation, elle pilote la chaîne administrative et logistique des commandes à l’export depuis l’établissement des devis jusqu’à la facturation, en passant par la préparation des expéditions et la gestion des documents douaniers. Son expertise est essentielle pour garantir la fluidité des livraisons à l’international, un enjeu crucial pour une PME exportatrice où chaque retard peut coûter cher. 

 


 

Pouvez-vous nous en dire plus sur les activités à l’international de BG ingénierie ?

 

Notre entreprise se distingue par sa capacité à réaliser des machines sur mesure, répondant aux demandes spécifiques de nos clients. Ces derniers peuvent être des fabricants de cartes, des fabricants de passeports ou encore des imprimeries nationales chargées de produire des documents d’identité, etc.

L’activité de l’entreprise est très largement tournée vers l’international : entre 60 et 70 % de la production est exportée, contre 40 % en 2018.

Nous travaillons sur tous les continents, sans zone prioritaire fixe. Les demandes varient néanmoins selon les périodes et les contextes économiques, avec une forte activité récente au Moyen-Orient (notamment aux Émirats Arabes Unis, où de nombreuses usines sont en construction), mais aussi des opportunités régulières en Asie et en Amérique du Nord.

 

Quelle est votre fonction au sein de l’entreprise ?

 

Je prends en charge la gestion des devis jusqu’à la facturation, sauf pour les devis les plus techniques qui demandent à être traités par le commercial export en lien avec les ingénieurs et techniciens. Après validation de la commande, je suis en charge de la préparation des expéditions et de la facturation. Cela induit une connaissance fine des exigences documentaires demandées par chaque pays.

 

Comment procédez-vous pour connaître ces exigences réglementaires spécifiques ?

 

Pour connaître les exigences réglementaires pour chaque pays, j’ai mis en place une méthode structurée. À chaque envoi de palette, je commence par créer une fiche pays spécifique. Je m’appuie principalement sur les informations fournies par les services de BCI, notamment dans la rubrique « contexte réglementaire » accessible en ligne sur BCI info. J’y ajoute ensuite les éventuelles exigences du client, en recoupant toutes les données pour m’assurer de leur conformité.

En général, les exigences documentaires à l’export sont similaires d’un pays à l’autre, mais il existe parfois des demandes particulières, comme la nécessité d’un certificat d’origine, que j’obtiens auprès de la CCI via leur plateforme en ligne. J’ai déjà eu à fournir une déclaration sur l’origine du bois des palettes pour un pays asiatique, afin de prouver qu’elles étaient traitées conformément aux normes sanitaires. Heureusement, nos palettes sont conformes à la norme NIMP15.

 

Comment procédez-vous pour expédier vos produits à l’export ?

 

Je dois systématiquement fournir un ensemble de documents comme la « packing list » (ou liste de colisage en français, en 2 exemplaires) qui reprend en détail l’ensemble des marchandises transportées ainsi que les factures (en 3 exemplaires).

Aujourd’hui, la dématérialisation facilite grandement cette démarche. Au lieu de coller les documents sur la palette, qui risquent d’être perdus ou décollés, j’envoie désormais les documents sur une plateforme en ligne au moment de la préparation de la palette. Cette méthode est particulièrement pratique et courante lorsqu’on utilise des services de messagerie. En revanche, lorsque je fais appel à des transitaires, il est généralement nécessaire de placer les documents originaux directement sur la palette.

 

 

Une expédition réussie commence toujours par de la vigilance et de la préparation.

 

Quels sont les points de vigilance à prendre en compte lors d’une expédition ? 

 

J’ai parfois rencontré des difficultés lors d’expéditions vers la Chine, notamment lors d’une vente triangulaire impliquant un donneur d’ordre américain et un destinataire chinois. Un problème marquant fut le blocage d’un colis en douane chinoise pendant trois semaines, à cause d’un désaccord sur le code douanier à utiliser. Grâce à l’aide de notre transitaire local et du conseiller international de BCI, j’ai pu débloquer la situation.

J’ai constaté notamment que la Chine impose systématiquement des exigences supplémentaires, ce qui cause des retards inévitables de 10 à 15 jours. La complexité s’accentue lorsque plusieurs intermédiaires, comme un partenaire taïwanais, interviennent.

Il faut avoir conscience que les relations entre les différents acteurs, ainsi que le contexte géopolitique peuvent parfois compliquer les expéditions.

 

Quels autres conseils donneriez-vous à un primo-exportateur lors de l’envoi de sa marchandise ?

 

Je conseille de toujours photographier les marchandises dans leur emballage avant l’expédition, afin de pouvoir prouver la conformité et la bonne préparation du colis en cas de litige.

J’accorde aussi une grande importance à la validation préalable des documents (comme le certificat d’origine, la facture ou la packing list) par le client, pour éviter toute erreur ou blocage en douane. Je reste à l’écoute de mes clients et je veille à bien répondre à leurs demandes, tout en restant vigilante à ne pas effectuer de modifications qui pourraient engager ma responsabilité.

Enfin, je n’hésite pas à m’appuyer sur l’expertise de ma conseillère internationale au sein de BCI pour sécuriser mes démarches, notamment lors d’opérations complexes. Je la consulte dès que j’ai un doute concernant une modalité spécifique à un pays, notamment lors de ventes triangulaires impliquant un donneur d’ordre, un fournisseur français et un client dans un troisième pays. Je vérifie systématiquement auprès d’elle si mes documents sont conformes.

 

Avez-vous des recommandations sur le choix des incoterms ?

 

Je constate fréquemment que les incoterms sont mal utilisés et que les entreprises ne mesurent pas toujours leur impact, notamment en ce qui concerne le transfert des risques. Par exemple, l’incoterm EXW est souvent choisi mais il est mal utilisé.

Nous choisissons généralement l’incoterm, même si certains clients tentent de l’imposer. Je refuse systématiquement le DDP par exemple, car il expose le vendeur à tous les risques et frais, sans maîtrise sur les droits de douane ou autres coûts à l’arrivée. Nous privilégions donc principalement les incoterms EXW et DAP. Le DAP nous permet de suivre précisément l’acheminement de la marchandise et de récupérer les documents nécessaires pour justifier nos ventes à l’export (on doit par exemple récupérer le document EX-A, preuve de la sortie de la marchandise du territoire, qui sera exigé en cas de contrôle fiscal pour justifier l’exonération de TVA ). Les frais de dédouanement à l’import sont à la charge du client, mais je gère l’ensemble de la logistique jusqu’à la livraison finale, ce qui nous permet de limiter les risques grâce à une préparation rigoureuse en amont.

 

Vous avez le statut d’exportateur agréé. Pourquoi est-ce intéressant ?

 

Ce statut simplifie les formalités administratives et évite la production de certains documents. Il s’inscrit dans le cadre d’accords entre l’Union européenne et certains pays tiers. Il me permet par exemple de faire une déclaration d’origine directement sur la facture lors de mes exportations.

Pour certains pays, il est indispensable d’être exportateur agréé afin de bénéficier d’avantages comme la suppression du certificat EUR1 (normalement obligatoire pour les marchandises de plus de 6000 €), et l’application de droits de douane réduits, voire nuls qui s’appliquent selon la nomenclature douanière de mes produits. Cela représente un gain de temps et une réduction des risques de blocage ou de perte de documents, tout en facilitant le passage en douane de mes marchandises.

Pour obtenir ce statut, je me rends sur le site des douanes où je remplis un formulaire en détaillant les produits concernés. Il ne faut pas hésiter à solliciter l’aide de votre interlocuteur douanier régional qui vous aidera à fournir toutes les informations nécessaires. Une fois ma demande envoyée, je reçois un document officiel mentionnant mon entreprise, les codes douaniers concernés et la liste des pays pour lesquels mon entreprise est reconnue comme exportateur agréé. J’ai choisi de demander ce statut pour un large éventail de pays afin d’éviter de devoir faire des avenants ultérieurs. Cette démarche est gratuite, quel que soit le nombre de pays concernés.