Laurent Dubourg, cofondateur de la société Stirweld basée à Rennes (35), nous parle du parcours de son entreprise qui conçoit et fabrique des machines de soudage par friction-malaxage (FSW) pour l’assemblage de l’aluminium dans des secteurs industriels de pointe.
Il revient sur son développement à l’international et les raisons qui l’ont conduit à s’implanter aux États-Unis. Il partage également les étapes, les choix stratégiques et les rencontres décisives qui ont permis à Stirweld de franchir l’Atlantique et de s’installer au cœur de l’industrie américaine.
Pourriez-vous nous présenter Stirweld et la technologie que vous développez ?
Je suis le co-fondateur de Stirweld spécialisée dans la fabrication de machines de soudage par friction-malaxage, une technologie innovante qui permet de souder l’aluminium, matériau largement utilisé dans des secteurs comme l’automobile, l’aéronautique, le spatial, la défense ou encore les énergies renouvelables. Avant de fonder Stirweld avec Gilles Sevestre, j’étais chercheur dans le secteur privé à l’institut Maupertuis, tandis que Gilles travaillait à l’ENS de Rennes. Ensemble, nous avons développé une tête de soudage innovante, adaptable sur des centres d’usinage existants, et déposé un brevet en 2015. En 2017, nous avons choisi de quitter la recherche pour créer notre entreprise et ainsi transformer notre innovation de laboratoire en solution industrielle concrète au service des industries de pointe.
Nous collaborons aujourd’hui avec de grands acteurs de la mobilité électrique, comme Tesla, BMW et des constructeurs coréens. Dans le secteur spatial, Ariane est notre premier client historique et nous sommes fournisseurs pour le programme Ariane 6 depuis huit ans. Nous travaillons aujourd’hui avec environ un tiers des entreprises du Newspace mondial, principalement aux États-Unis, en Europe et en Corée du Sud.
Dans l’aéronautique, nous fabriquons principalement des échangeurs de chaleur pour divers équipements d’avion. Notre activité dans la défense se développe également, notamment pour la production d’échangeurs thermiques destinés au refroidissement des radars. Enfin, nous sommes de plus en plus sollicités dans le secteur des énergies renouvelables, en particulier pour la fabrication de réservoirs d’hydrogène en aluminium.
Aujourd’hui, environ 30 % de notre activité est réalisée en France, 20 % en Europe, 30 % en Amérique du Nord (principalement aux États-Unis et au Canada) et 20 % en Asie. Cette diversité géographique nous permet d’équilibrer notre portefeuille clients et de nous adapter aux évolutions des différents marchés.
Notre équipe compte actuellement 37 collaborateurs, dont deux sont basés aux États-Unis, un en Allemagne et le reste en Bretagne. Nous disposons également d’un agent commercial en Corée du Sud pour renforcer notre présence sur le marché asiatique.
Comment avez-vous abordé l’internationalisation de votre entreprise ?
Dès le départ, notre ambition était mondiale et nous savions que notre principal défi était d’introduire une nouvelle méthode dans un secteur industriel habitué à ses procédés traditionnels depuis plus de quarante ans. Le changement est lent et le marché du BtoB, particulièrement exigeant.
Nous avons donc ciblé une trentaine de pays à fort potentiel industriel. Sans moyens financiers importants, nous avons misé très tôt sur le marketing digital, notamment l’inbound marketing, pour toucher rapidement des clients à l’international.
Le digital a été un véritable accélérateur. Dès le début, nous avons décroché des clients à Taïwan, au Vietnam, puis en France. Notre présence sur Google et LinkedIn, où nous partageons des contenus pédagogiques et des cas d’usage, nous a permis de nous faire connaître et de former nos prospects. Nous sommes également très actifs sur YouTube et organisons depuis 2020 des webinaires réunissant à chaque fois une centaine de participants. Grâce à toutes ces actions, nous apportons de la valeur à nos prospects, qui reviennent vers nous lorsqu’ils ont un projet.
Mais je me suis rendu compte, dès 2021, que nos clients avaient besoin d’un accompagnement de proximité, notamment pour le service après-vente et la formation. Or on avait d’abord envisagé de s’appuyer sur des distributeurs à l’étranger. Ça n’a pas été concluant. Nous avons eu entre 7 et 9 distributeurs, mais il ne nous en reste que 3 aujourd’hui. Nous vendons une technologie innovante et complexe. Mais passer par un intermédiaire complique encore les choses. Les distributeurs n’étaient pas experts du FSW et peinaient à convaincre leurs propres clients.
De la difficulté à trouver un distributeur est née l’évidence de créer notre filiale à Détroit.
C’est pourquoi vous avez envisagé de vous implanter à l’étranger ?
Je cherchais un distributeur aux États-Unis lorsqu’une rencontre fortuite avec le dirigeant d’une PME bretonne, partageant le même intérêt que nous pour l’innovation industrielle, a permis d’aborder la difficulté à trouver des distributeurs qualifiés en raison de la complexité de notre technologie. Il m’a alors suggéré une solution à laquelle je pensais sans l’avoir formulée : créer notre propre filiale aux États-Unis. Cette idée m’a paru évidente, d’autant plus que j’avais déjà une expérience professionnelle de sept ans au Canada, ce qui m’a aidé à franchir le pas. Après deux ans de recherches infructueuses, nous avons donc rapidement décidé de créer une structure sur place, donnant ainsi naissance à notre implantation américaine, dans la ville de Détroit.
Comment s’est déroulée votre implantation aux États-Unis et pourquoi avoir choisi Détroit ?
Tout s’est fait très rapidement, avec des moyens limités mais une conviction forte que c’était la bonne stratégie. Contrairement aux conseils reçus qui recommandaient un gros budget, nous avons avancé étape par étape, en bénéficiant de l’accompagnement de BCI et Bpifrance via l’assurance prospection, ainsi que du soutien financier de la Région Bretagne et Business France pour nos VIE. J’ai visité plusieurs villes américaines avant de retenir Détroit, qui possède une tradition industrielle forte, notamment dans l’automobile, un secteur clé pour nous. La ville était abordable, idéalement située près de l’Ontario, et le décalage horaire plus raisonnable qu’avec la côte ouest. La présence du French Corner, structure d’accueil pour les entreprises françaises, a aussi facilité notre intégration et l’installation de notre équipe sur place.
Quels ont été les résultats de cette implantation ?
Nous nous sommes installés fin 2022 et, dès mars 2023, du personnel était présent localement. Grâce à cette implantation, nous avons pu installer une machine d’essai, acquérir un centre d’usinage d’occasion et envoyer deux VIE, un ingénieur soudeur et un commercial. Cette proximité nous a permis de rassurer nos clients américains, très exigeants en réactivité, et de répondre rapidement à leurs besoins. Notre chiffre d’affaires aux États-Unis a doublé en deux ans, et la croissance se poursuit depuis 2023.
Depuis notre base à Détroit, on couvre tout le territoire américain ainsi que l’Ontario et le Québec.
Quel est votre point de vue sur le dispositif VIE ?
Le VIE représente une excellente opportunité, mais il doit être vu comme une première étape. Dans le secteur commercial, notamment pour la vente de produits complexes, il est essentiel d’accompagner et de suivre les VIE.
La principale limite réside dans la durée du contrat, souvent trop courte au regard des cycles de vente. Pour pallier ce problème, j’ai choisi de recruter localement, comme récemment avec l’embauche d’un General Manager aux États-Unis. À terme, il sera nécessaire de sédentariser d’autres postes pour soutenir la croissance de l’entreprise.
Vous venez d’ouvrir une nouvelle structure en Allemagne. Pourquoi ne pas avoir commencé par ce pays, qui semblait pourtant moins risqué ?
Ayant déjà travaillé sept ans au Canada, j’étais familier avec le marché nord-américain, ce qui a facilité notre implantation initiale aux États-Unis, d’autant que ce marché est plus vaste. En Allemagne, nous avons choisi de recruter directement un Country Manager local, sans passer par un VIE. Nous venons d’y trouver des locaux et prévoyons d’y installer notre tête FSW. Un ingénieur soudeur basé à Rennes interviendra régulièrement en soutien, profitant de la liaison directe en train entre Rennes et Stuttgart, ce qui limite notre impact carbone. À terme, nous souhaitons étoffer progressivement l’équipe sur place, en fonction du développement de notre activité.
Quelles différences avez-vous constatées entre une implantation aux États-Unis et en Allemagne ?
L’implantation en Allemagne est facilitée par l’absence de démarches de visa, contrairement aux États-Unis où les procédures d’immigration sont complexes, notamment pour le transfert de personnel. En revanche, la création d’entreprise est plus simple et rapide aux États-Unis. En Allemagne les formalités administratives sont plus strictes. Toutefois, la principale difficulté rencontrée aux États-Unis reste le recrutement et la formation de personnel local, en raison des contraintes liées aux visas.
De quelle manière BCI a pu vous accompagner dans vos projets à l’international ?
BCI nous a apporté un soutien précieux dans nos projets à l’international, notamment en facilitant notre mise en relation avec prestataires agréés comme Rezoway, qui nous a accompagnés sur les aspects juridiques, comptables et bancaires lors de la création de notre structure à Détroit. Au fil des années, nous avons sollicité BCI à de nombreuses reprises pour des recherches d’informations, des prestations personnalisées ou encore pour être orientés vers des partenaires de confiance. En Allemagne nous avons également été accompagné par un Prestataire Etranger Agréé appartenant au réseau de BCI.