Mis à jour le 24/09/2025

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Une compréhension numérique de l’« unicité »

 

Si la personnalisation n’est pas un phénomène nouveau en lui-même, la tendance a accéléré en marge de la pandémie pour sortir du stade des concepts, projets pilotes, niches du luxe et autres outils limités au B2B.

Sous l’impulsion des grands groupes mondiaux, contraints d’adopter une plus grande réactivité pour s’adapter aux contextes causés par la crise sanitaire, nombre d’innovations récentes en matière de biens de consommation se situent dans l’espace des nouvelles technologies et l’« ultra-personnalisation de masse » qu’elles promettent ou permettent déjà. Cette ultra personnalisation est basée sur le postulat qui consiste à dire que la vie, le rythme, l’environnement et les besoins de chacun sont uniques, et que, par conséquent, les produits du quotidien doivent l’être aussi.

Pour répondre à cela, de plus en plus de marques, petites ou grandes, s’appuient désormais sur des algorithmes sophistiqués, le big data et l’intelligence artificielle pour déterminer la composition, les dosages, le design et bien d’autres aspects de conception, de fabrication et de livraison, pour offrir LE produit ou service qui correspondra le plus exactement possible au besoin de leur client, qui plus est au moment et à l’endroit qui lui conviennent au mieux.

Pour cela, les marques établissent avec leurs clients des boucles de données retraçant les mesures clés, diagnostics, historiques, suivis de préférences, etc., afin de réaliser des analyses fines de leurs comportements par l’intermédiaire d’outils numériques élaborés et de pouvoir réajuster leur proposition de valeur en retour. Si l’on tient compte du fait que le nombre de points de contact, de gages de traçabilité et de modes de paiement à intégrer dans le parcours client est lui aussi toujours plus important, développer une offre sur-mesure pour chaque consommateur n’est donc dénué d’embûches
ni en termes de marketing, ni de technologies ou d’infrastructures, et encore moins de réglementations.

Cela requiert une grande agilité et une véritable culture numérique à encourager au sein des organisations qui l’envisagent, investissements et décloisonnements des silos à l’appui, quitte à multiplier les collaborations. Cela requiert également d’être ouvert à l’idée d’intégrer les “feedbacks” des consommateurs dans son propre process, au risque de devoir changer sa propre façon de fonctionner et d’apporter de la valeur aux clients. Enfin, le développement d’une relation client de plus en plus dématérialisée, distanciée et mondialisée peut induire de facto un besoin accru de localisation et de traduction des contenus échangés, pour mieux générer de la valeur ajoutée. Là aussi, avec l’aide de l’IA si besoin est.

 

Un marketing « data-driven & customer-centric »

 

Les dernières technologies modifient profondément la manière dont les entreprises peuvent capturer, analyser et distribuer les données provenant de l’activité de leurs clients individuels pour se montrer plus proactives sur la proposition de valeur destinée à générer leur engagement.

Au-delà de la publicité programmatique, les outils se démultiplient pour proposer toujours plus de recommandations, contenus, offres et expériences sur mesure, sur tous les canaux et terminaux disponibles et ce, tout au long du parcours client. Aussi bien la mise en oeuvre que l’intégration des technologies adéquates peuvent s’avérer complexes et exiger une coordination accrue entre les services chargés de la conception/ production et les services commerciaux, tout en devant être dûment pondérées pour démontrer leur capacité à apporter de la valeur ajoutée et du retour sur investissement au passage à l’échelle de “masse”. Pour cela, les organisations doivent réfléchir aux meilleures manières d’intégrer l’expérience utilisateur au coeur d’un processus articulé sur un cycle “4D”, à savoir les Données (créer des plateformes permettant de fournir une vision à 360° de l’utilisateur et de ses usages de consommation), les Décisions (emploi d’outils d’analyse avancés pour générer une compréhension fine de ses “déclencheurs” d’achat), le Design (gestion agile de la conception et de la fabrication vis-à-vis de ses besoins identifiés) et la Distribution (boucler les boucles omni-canales pour livrer le produit, le service, le contenu ou l’expérience attendus).

C’est aussi là que les stratégies de communication des marques peuvent faire la différence, or elles s’avèrent très variées, si ce n’est très complexes, en raison de la nature profondément émotionnelle du lien que les marques parviennent à établir et intensifier avec les consommateurs par le biais de canaux très différenciés. Avec l’avènement de l’ultrapersonnalisation, générer de la fidélité à une marque au sein d’un groupe cible pourrait désormais consister à inclure plus directement les consommateurs ciblés dans le process, ce qui revient à conférer plus d’autorité à leurs propres avis et à leurs propres données.

Malgré les défis que cela peut poser, se doter d’outils d’analyses plus fins et plus précis, appuyés par les données, permettant une meilleure compréhension des comportements et évolutions du marché, est potentiellement une source de proactivité accrue face à de nouvelles évolutions à venir. Cela n’est pas forcément superflu pour les biens de consommation, directement affectés par le contexte de crises successives que subissent les consommateurs mondialisés depuis plusieurs mois.

 

L’ultra-individualisation en trame de fond mercatique

 

Au-delà de proposer des expériences ciblées et « ludiquement » basées sur les nouvelles technologies, le développement d’une offre ultra-personnalisée est surtout voué à répondre à des attentes, fortes ou plus subtiles, que les consommateurs ne parviennent pas ou plus à satisfaire avec les produits « traditionnels ».

De plus en plus conscients de leurs besoins individuels et bien informés des dernières tendances face à un choix de produits lui aussi de plus en plus étoffé, les consommateurs peuvent être submergés et peiner à déterminer le produit qui conviendrait le mieux à leurs besoins. Pour résoudre ce problème, les marques doivent permettre une démarche de personnalisation facile à appréhender afin que le processus de décision et l’acte d’achat soient les plus simples possibles.

Certains consommateurs sont tentés de s’éloigner de la croyance selon laquelle « un seul produit convient à tous » pour privilégier des produits qui correspondent à leur style de vie et à des besoins de plus en plus spécifiques, quitte à créer une « crise de fidélité » envers les offres standardisées. Cela se reflète en particulier au sein des jeunes générations et s’illustre par exemple dans le succès croissant de marques tournées vers la diversité, l’égalité et l’inclusion, qui répondent aux attentes de groupes jugés « minoritaires » et à leurs préoccupations de niches.

Plus qu’un atout de différenciation, la personnalisation semble devenir un vecteur fort de satisfaction et d’engagement client. Source de valeur ajoutée, elle pourrait donc s’imposer comme un nouveau standard et entraîner une ultra-fragmentation de l’offre en conséquence. Et si à l’heure de l’inflation, le prix reprend une influence de premier plan sur les achats des consommateurs, cela pourrait à terme se combiner à la tendance de la personnalisation plutôt que la freiner.