Mis à jour le 24/09/2025

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Les USA impulsent un « momentum » décisif

 

Le Forum économique mondial, BioMade, l’U.S. Task Force on Synthetic Biology and the Bioeconomy, Schmidt Futures… autant d’institutions et think tanks de haut niveau qui soulignaient depuis quelques mois la nécessité pour les USA d’accélérer une «révolution de la biofabrication».

Objectif annoncé : maximiser les avantages d’une bioéconomie circulaire en aidant la biologie synthétique à se développer « réellement » par la même occasion. C’est chose faite : craignant que la bioéconomie américaine ne perde du terrain face à ses concurrentes européenne et chinoise, le gouvernement américain a agi à l’automne en élaborant une stratégie nationale et pangouvernementale coordonnée pour l’exploiter stratégiquement et conserver son avance en la matière.

Afin de rattraper les nombreuses puissances mondiales qui ont développé des stratégies axées sur la bioéconomie circulaire et la biologie synthétique dans la décennie qui a suivi le premier plan national de bioéconomie propulsé par l’administration Obama en 2012, le président Biden a publié quasi-simultanément :

  • le CHIPS and Science Act, texte qui malgré un accent très fortement placé sur les semi-conducteurs n’en définit pas moins de grandes ambitions pour la bioéconomie ;
  • le Décret sur la promotion de l’innovation dans le domaine de la biotechnologie et de la biofabrication pour une bioéconomie américaine durable, sûre et sécurisée.

La Maison Blanche a ensuite organisé un sommet pour présenter plus d’informations sur l’orientation des fonds et les objectifs primordiaux cadrés par ces annonces.

Dans le sillage de ces mesures, le ministère américain de l’énergie a par ailleurs annoncé l’octroi de 178 M$ à des projets visant à « repousser les limites de la biotechnologie et à soutenir l’émergence d’une bioéconomie américaine florissante ».

Bien que décriées par les opposants aux biotechnologies, ces mesures devraient considérablement galvaniser l’écosystème américain dans son ensemble dans les mois à venir, avec la capacité d’entraîner toute la communauté internationale dans une dynamique similaire. Confortés dans leur rôle « critique » pour la conservation du leardership économique, militaire et technologique des USA face à des changements mondiaux majeurs, les leaders américains considèrent ainsi leurs biofonderies comme les « fonderies du XXIe siècle » et se voient investis d’une mission d’envergure : « écrire des circuits pour les cellules et programmer de manière prévisible la biologie de la même manière que l’on écrit des logiciels et programme des ordinateurs ».

 

L’Union européenne évalue sa propre stratégie

 

Au printemps, la Commission européenne a de son côté publié une évaluation des progrès réalisés dans le cadre de sa propre stratégie en matière de bioéconomie, adoptée en 2018 sous l’intitulée Une bioéconomie durable pour l’Europe : renforcer le lien entre économie, société et environnement. Le rapport souligne l’importance croissante de la bioéconomie dans l’environnement politique encadré par le Green Deal et ses objectifs axés sur le dépassement des limites posées par les ressources fossiles pour une transition vers un nouveau modèle sociétal et économique, basé sur l’utilisation durable et circulaire des bioressources. Bien que pointant certaines lacunes qui restent à combler, le rapport montre en outre que les actions définies dans la stratégie sont en bonne voie pour atteindre leurs principaux objectifs :

  • de plus en plus de stratégies nationales et régionales investissent dans l’innovation en matière de bioéconomie et promeuvent la coopération intersectorielle et les principes de durabilité ;
  • la bioéconomie progresse notamment en Europe centrale et orientale grâce à d’importantes contributions financières de l’UE et à la création de nouveaux réseaux ;
  • les investissements privés, les start-ups et la R&D des industries biosourcées augmentent et promettent des développements intéressants pour le positionnement européen sur le marché mondial des produits chimiques et matériaux biosourcés.

 

La Chine publie un plan quinquennal dédié

 

Avec le XIVe Plan quinquennal (2021-2025) dévoilé en mai 2022, la Commission nationale du développement et de la réforme de Chine a publié son premier plan quinquennal spécifiquement dédié à la bioéconomie.

Celui-ci définit 4 piliers (soins de santé, bioagriculture, biocarburants et bioinformatique) ainsi que les actions à opérer dans les années à venir pour accélérer les biotechnologies, la bioproduction et la biosécurité en Chine, anticipant que la bioéconomie va devenir un moteur puissant pour le développement agricole, industriel et médical du pays, pour la mondialisation de son économie et pour ses objectifs bas carbone au XXIe siècle.

Le pays compte ainsi explorer la biomasse pour stimuler le développement durable et la conservation des ressources tout en renforçant la prévention, le contrôle et le traitement des risques tels que les épidémies ou les maladies animales et végétales grâce à l’utilisation de technologies génétiques de pointe et un soutien financier important pour les entreprises du secteur, en particulier celles cotées sur les grands marchés boursiers.

 

Des lignes vouées à bouger ?

 

En plein essor dans les économies avancées, la bioéconomie se voit renforcée par la quête de solutions susceptibles de relever les défis posés par la santé publique et les changements climatiques, si ce n’est par l’envie de réimaginer l’industrie elle-même.

La pandémie, les perturbations de la supply chain, les sécheresses et autres catastrophes naturelles, la crise énergétique, la récession… toutes ces nouvelles donnes devraient inciter les gouvernements à réexaminer les rôles de la bioéconomie, des biotechnologies et de la biologie synthétique, par ailleurs considérées comme des éléments clés de la transition vers le zéro carbone et la circularité. De plus en plus appuyés par la puissance de l’intelligence artificielle, ces domaines pourraient rapidement devenir
centraux pour les stratégies des nations, des filières et des entreprises désireuses de préserver leur résilience économique face aux tensions accrues sur les ressources terrestres et maritimes. Néanmoins, certains défis de taille n’en demeurent pas moins cruciaux car la bioéconomie et ses acteurs doivent encore démontrer leur capacité :

  • à passer à l’échelle,
  • à dépasser l’offre existante sur les aspects de coûts et d’efficacité,
  • à agir sur certains freins réglementaires,
  • et à convaincre une opinion publique qui n’a pas encore pris pleinement conscience des avantages (et risques) potentiellement liés aux divers modes de consommation biosourcés et aux technologies de pointe qui y sont associées.

De plus, faute d’avoir défini une vision concertée et harmonisée, la bioéconomie voit ses définitions évoluer rapidement et varier grandement selon les parties prenantes impliquées. Elle englobe ainsi parfois des visions contradictoires qui sont sources de nombreuses confusions et incompréhensions.