Mis à jour le 24/09/2025
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Pressions sur l’empreinte carbone du secteur
Reconnu pour son rôle incontournable et moteur de la mondialisation, le transport maritime s’appuierait sur quelque 100 000 navires transportant 2,3 Mdt de marchandises chaque année. Fonctionnant au fioul lourd, un carburant très dense en énergie mais polluant, les conteneurs, vraquiers et pétroliers généreraient 1MdtCO2éq/an, soit 2,8% des émissions mondiales en 2023, et cette part pourrait monter à 17% en 2050 pour peu que la demande de fret continue de croître au rythme actuel sans une correction de trajectoire sur les émissions du secteur.
Célébrant les 50 ans de la Convention internationale pour la prévention de la pollution marine par les navires, 175 représentants de pays se sont réunis à Londres pour des négociations cruciales menées sous l’égide de l’ONU en juillet 2023.
L’International Maritime Organization a convenu à cette occasion de renforcer les objectifs de décarbonation du secteur maritime afin d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 dans le cadre d’une révision de sa Strategy on Reduction of GHG Emissions from Ships. Bien que pointées comme un élan dans la bonne direction, les ambitions adoptées peinent à convaincre les investisseurs et les environnementalistes, qui ont déploré un texte affaibli par les négociations et des engagements insuffisants pour éviter les effets du changement climatique anticipés d’ici cette échéance. Le manque de clarté de l’association professionnelle quant aux échéances attendues pour les carburants propres et les réglementations dissuaderait notamment les opérateurs de remplacer les navires alors que les pressions s’accroissent pour accélérer leur décarbonation et tandis que la flotte mondiale est de plus en plus vieillissante.
Les ONGs déplorent à la fois la nature vague, ambiguë voire inadaptée des engagements. Inquiètes, elles pointent par ailleurs que la majeure partie des sources de carburant à faible teneur en carbone pour le transport maritime resteraient seulement émergentes et très coûteuses, ce qui freine leur adoption. En l’absence d’un déploiement rapide de solutions « propres » et commercialement viables à grande échelle, la transition énergétique du secteur maritime risque de ne pas être à la hauteur des enjeux, les analystes s’attendant à un triplement du volume des échanges maritimes d’ici 2050. La décarbonation représenterait pourtant une opportunité remarquable, à en croire une récente étude commanditée par le Groupe de haut niveau pour une économie océanique durable.
Dans le rapport The Ocean as a Solution to Climate Change, les auteurs ont ainsi estimé que les mesure visant à décarboner le transport maritime permettraient de réduire les émissions de 2 Gt/an d’ici 2050.
Les e-fuels, cœur de cible pour la transition
Depuis la mise en place en 2011 des premières exigences contraignantes en matière d’efficacité énergétique, des progrès n’en ont pas moins été réalisés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les navires chargés du transport international.
Des mesures telles que le slow steaming, les bulbes d’étrave, et les améliorations apportées aux hélices, aux coques et à la gestion du biofouling auraient ainsi déjà contribué à réduire l’intensité en carbone du transport maritime de ~30% depuis 2008.
La propulsion vélique peut également contribuer à réduire la consommation de carburant en étant couplée à la conception de navires plus économes en énergie. Ces solutions restent toutefois peu adaptées aux navires de grande taille, à grande vitesse ou soumis à des rotations horaires contraignantes, et c’est sans compter l’allongement des délais de livraison et le coût qu’engendrent ces contraintes de conception. L’utilisation de carburants à faible teneur en carbone ou sans carbone est donc pointée comme le réel enjeu clé pour permettre au secteur de juguler son empreinte carbone dans les années à venir. Seul carburant alternatif commercialement viable pour le transport maritime, le gaz naturel liquéfié est utilisé depuis près de 20 ans mais demeure un combustible fossile bien qu’il émette ~25% de dioxyde de carbone de moins que les carburants maritimes conventionnels.
Favoris de la R&D à l’heure actuelle, les carburants produits par électrolyse de l’eau à partir d’énergies renouvelables comme l’e-hydrogène, l’e-ammoniac ou le e-méthanol sont actuellement étudiés comme les options les plus durables et prometteuses par nombre de parties prenantes mais leur développement risque d’être lent car il reste entravé par des freins économiques, techniques et infrastructurels conséquents.
De gros efforts devront par ailleurs être consentis pour adapter les systèmes de propulsion des navires à ces carburants et pour garantir un accès adéquat à leur approvisionnement à l’échelle mondiale, ce qui exigera de nouvelles infrastructures. Les parties prenantes sont donc conscientes que les armateurs et les terminaux portuaires sont confrontés à des défis de taille et des décisions d’investissement considérables.
Dans un récent rapport, la Cnuced a ainsi estimé que le développement des infrastructures de production, de distribution et de ravitaillement maritime pour fournir des carburants 100% neutres en carbone pourrait nécessiter des investissements annuels allant de 28 à 90 Mds$ d’ici 2050. Cela pourrait par ailleurs augmenter les coûts annuels du carburant de 70 à 100% par rapport aux niveaux actuels pour les acteurs du secteur. Face à de tels enjeux, le transport maritime va devoir trouver des soutiens pour assurer sa transition.
Des schémas voués à évoluer à l’international
Dans l’édition 2023 de sa Review of Maritime Transport, la Cnuced a dressé un tableau contrasté de la situation du transport maritime. L’organisation estime que les volumes d’échanges maritimes devraient retrouver une croissance solide, soit un rythme annuel de +2,4% en 2023 puis de +2,1% d’ici 2028, bien que cela représente un ralentissement par rapport à un TCAC établi à +3% depuis ~40 ans.
En 2023, les schémas de transport maritime et les routes commerciales marquent toutefois des signes d’évolutions notables, que ce soit imputable aux tensions commerciales croissantes ou à une nouvelle géographie du transport et du commerce qui s’esquisse.
Témoin de cette dynamique, la distance moyenne parcourue augmente pour nombre de marchandises, à commencer par les hydrocarbures et les céréales dans le sillage du conflit en Ukraine. En 2022, l’offre de capacités et de services de transport maritime a été affectée par le ralentissement de l’économie mondiale, affichant une contraction de -0,4% en volume.
La flotte mondiale continue néanmoins de croître, la capacité mondiale de transport des navires ayant augmenté de +3,2% entre 2021 et 2022. Mais la flotte vieillit et fait face à un contexte d’incertitudes croissantes pour ce qui est des échéances de renouvellement. L’âge moyen des navires serait ainsi passé de 20 à 22 ans entre 2011 et 2022, reflétant les difficultés que rencontrent les opérateurs pour se conformer à des réglementations environnementales de plus en plus strictes et leur réticence à investir dans de nouveaux navires.
Comme beaucoup d’autres secteurs, le transport maritime doit de plus s’adapter à des changements structurels à grande échelle dans le contexte de « poly-crises » actuel. Les tensions commerciales et les troubles géopolitiques poussent les entreprises à renforcer la résilience de leur supply chain et à limiter les impacts de chocs futurs.
Le rapprochement de la production des centres de consommation et l’approvisionnement de proximité devraient logiquement induire une diminution du transport transcontinental, des chaînes d’approvisionnement plus régionales ou locales et des distances moyennes de transport plus courtes. En même temps, les puissances émergentes à croissance rapide tendent à prendre une part plus importante dans le commerce mondial.
Le réseau de transport maritime mondial devrait par conséquent s’intensifier autour de ces économies et s’étendre vers le sud et l’est. L’essor du commerce électronique n’est pas non plus négligeable dans les évolutions que connaît le transport maritime, sans oublier la numérisation et l’automatisation du transport et de la logistique, moteurs d’une transformation qui encourage déjà la modernisation du secteur.