Mis à jour le 24/09/2025
/Un contexte “favorable” à des bascules ?
Acteurs incontournables pour l’industrie des fibres, du textile et de l’habillement, la Chine et les pays asiatiques restent de loin premiers exportateurs mondiaux. Des incertitudes économiques affectent l’ensemble de l’industrie, confrontée à des perturbations persistantes de la supply chain en raison des ralentissements subis par les principaux pays producteurs situés dans cette zone pour tenter d’endiguer la propagation de la Covid-19.
La guerre en Ukraine a par ailleurs introduit des défis supplémentaires, notamment des difficultés d’approvisionnement en matières premières et de fortes augmentations des coûts du carburant et de l’énergie. Enfin, l’impératif de se conformer aux critères de durabilité environnementale revêt désormais une importance croissante, particulièrement en Europe, incitant les entreprises mondialisées à adapter et repenser leurs stratégies pour mieux répondre aux pressions exercées à l’encontre du secteur par la société civile.
En réponse, l’écosystème ne reste pas inactif et esquisse des évolutions d’envergure. Au-delà d’investir, d’innover et de développer leurs canaux de distribution, notamment en ligne, les stratégies des entreprises placent un accent plus particulier sur des axes jugés porteurs :
- de nouvelles installations dont les capacités mettent en œuvre des stratégies visant à réduire la consommation d’énergie et d’eau, ou remplaçant les matériaux dérivés du pétrole par des matériaux naturels ;
- les coentreprises et les coopérations, les marques de vêtements intensifiant leurs collaborations entre elles et avec les acteurs de la supply chain ;
- le recyclage et la circularité, de plus en plus promus sous l’impulsion de la stratégie de l’Union européenne pour des textiles durables et circulaires ;
- le recommerce, ou commerce inversé, qu’il se manifeste entre particuliers ou sous l’impulsion des entreprises.
Recyclage et circularité à l’agenda européen
Intensives en ressources et en émissions de gaz à effet de serre, les industries de la mode et du textile se voient encouragées à adopter des modèles moins linéaires en intégrant tous les maillons de leur chaîne de valeur pour améliorer l’efficacité des ressources et la prévention des déchets, traçabilité, transparence et normes à l’appui.
De nouveaux écosystèmes émergent rapidement pour tenter de répondre à ces enjeux à travers le monde, que ce soit au stade de la conception de produits et services destinés dès le départ à la circularité, en proposant des moyens de production textile plus durables ou en encourageant des comportements vertueux chez les consommateurs.
Pour limiter les goulets d’étranglement et développer de nouvelles chaînes de valeur à grande échelle, durables et intégrées, les marques tendent à intensifier leurs collaborations avec leurs chaînes d’approvisionnement, répondant par là aux objectifs ambitieux énoncés par les stratégies de l’Union européenne pour des textiles durables et circulaires, publiées par la Commission en 2022.
Ces annonces incitent notamment les organisations professionnelles à lancer de nouvelles initiatives visant à promouvoir le recyclage et la circularité, telles Euratex et son initiative ReHubs ou le projet Circular and Sustainable Textiles and Clothing, tout en encourageant les projets de R&D axés sur les fibres recyclées ou fabriquées selon des processus en circuits fermés.
Afin d’améliorer leurs références en matière de durabilité, nombre d’acteurs s’inspirent aussi d’autres filières et se tournent par exemple vers la collecte et l’utilisation de déchets plastiques recyclés post-consommation, ce qui ne leur permet toutefois pas d’échapper aux débats concernant les pollutions micro-plastiques imputées aux fibres synthétiques.
De nouveaux modèles commerciaux tentent en parallèle de prolonger la durée de vie des vêtements et de mieux valoriser le tri textile et les technologies de recyclage tout au long du cycle de vie des produits manufacturés. Dans tous ces contextes, les défis à relever pour l’ensemble du secteur ne manquent pas, qu’il s’agisse d’améliorer les pratiques d’écoconception, de développer des politiques incitatives ou de mieux informer toutes les parties prenantes sur la composition d’un produit tout au long de son cycle de vie et son devenir en tant que déchet post-consommation.
La course à la production de fibres recyclées et recyclables à l’échelle commerciale n’en est pas moins ouverte. Que ce soit aux échelles nationales ou à l’international, l’absence de prise en compte du recyclage dans les classifications actuelles des fibres textiles, naturelles ou synthétiques, et l’absence de définition standard concernant les techniques employées (mécaniques, chimiques ou biotechnologiques) sont néanmoins pointées comme des freins majeurs au développement du recyclage textile.
Malgré la qualité des pratiques et des informations qu’ils sont par ailleurs susceptibles d’apporter, les éco-labels les plus valorisés à l’international comme:
- Blue Angel Textiles,
- Better Cotton Initiative,
- bluesign,
- Cotton made in Africa,
- Cradle to Cradle Certified,
- Global Organic Textile Standard,
- Global Recycled Standard,
- Zero Discharge of Hazardous Chemicals,
- VAUDE Green Shape,
- Oeko-Tex, etc.
sont malheureusement jugés tout aussi insuffisants pour couvrir l’ensemble du cycle de vie et assurer des gages de comparabilité sur leurs critères respectifs.
Le seconde main n’est pas en reste
En attendant que les industries de la mode et du textile trouvent et adoptent largement des solutions plus circulaires, le marché mondial des vêtements d’occasion est l’alternative actuellement la plus favorisée. L’occasion répondant à la fois à la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, surtout dans le contexte de l’inflation, et à leur sensibilisation croissante aux impacts socio environnementaux des produits textiles et de la mode. Elle est également favorisée par leur recours facilité à des plateformes d’achat et de vente en ligne.
À en croire une récente étude publiée par Thred Up et Global Data, la friperie serait en passe de devenir un phénomène mondial : affichant une croissance de +215% entre 2012 et 2021, le marché du seconde main pourrait connaître un bond de +24% en 2022 et une croissance trois fois plus rapide que le marché mondial de l’habillement dans son ensemble d’ici 2026.
Les consommateurs nordaméricains seraient ici à l’avant-garde de la tendance : l’étude estime que le marché de l’habillement de seconde main y a progressé huit fois plus vite que le marché global de l’habillement, avec un bond notable de +50% en 2021. Cette conjoncture a été largement favorisée par les nouvelles technologies et les places de marché en ligne, de plus en plus aisées à appréhender pour les utilisateurs finaux, et par la démultiplication d’offres et de plateformes dédiées par les retailers et par les marques, grandes ou petites.
Toujours d’après l’étude, si le marché du seconde main poursuit sur sa trajectoire engagée au cours de la décennie passée, il pourrait glaner davantage de parts de marché que tous les autres canaux de croissance réunis (location, souscription, e-commerce, direct-to-consumer, etc), les canaux de vente généralistes ou spécialisés plus conventionnels reculant ou stagnant en parallèle. Enfin, d’après un sondage associé à cette étude, c’est parmi les Millenials en particulier que l’achat d’occasion ne semble pas voué à ralentir de sitôt pour ce qui concerne l’habillement car il leur permet de réconcilier la quête d’individualité et leur porte-monnaie plus contraint avec des valeurs plus écoconscientes, plus accessibles et plus inclusives.
Dans les années qui viennent, le seconde main serait ainsi voué à progresser plus rapidement dans les régions où la démographie mondiale tend le plus à rajeunir, comme l’Amérique latine et l’Afrique, ou dans une moindre mesure l’Asie, alors que l’Europe pourrait rester à la traîne de cette tendance.