Mis à jour le 10/06/2022

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Pondérées par l’aéronautique et l’automobile, entre autres industries, les exportations françaises tendent à avoir perdu davantage de terrain que la baisse de la demande globale enregistrée sur plusieurs marchés cibles en 2020, cédant parfois sa place à la Chine comme fournisseur.

La perte de compétitivité à l'export interroge

Observant que les parts de marché de la France à l’export ont diminué depuis les années 2000, à l’instar d’autres économies avancées confrontées à la concurrence croissante des économies émergentes, la Direction générale des affaires économiques et financières de la Commission européenne a commandité puis publié une récente étude qui s’interroge sur la chute plus marquée qu’a subi la France par comparaison avec les économies similaires entre 1999 et 2017.

Alors que la France a perdu – 40 % de ses parts de marché à l’exportation de biens sur cette période, les parts de marché à l’exportation de l’Allemagne n’ont par exemple diminué “que” de – 9 % et celles de l’Espagne de – 11 %.

 

Trois hypothèses probables à écarter ?

D’après les auteurs de l’étude, la composition géographique et le positionnement sectoriel des exportations françaises ne seraient pas les causes principales de cette perte des parts de marché. Sur la base de modèles existants, ils pointent ainsi que si la composition géographique des exportations françaises contribue négativement à la croissance, cet effet se situe autour de la moyenne de l’Union européenne, tous les pays européens tendant à exporter vers moins de marchés dynamiques en raison du centre de gravité que représente le commerce intra-UE.

Bien que la compétitivité des coûts soit souvent considérée comme la principale raison de cette détérioration des performances françaises à l’export, elle est ici aussi écartée par les auteurs de l’étude car des réponses politiques ont été apportées ces dernières années pour réduire le coût du travail en France, or cela a “juste” permis de stabiliser la part de marché française au sein du commerce mondial, mais pas de la rétablir, en particulier pour le commerce de marchandises.

Sur la base d’indicateurs mixtes élaborés par leurs soins, les auteurs se sont donc penchés sur d’autres aspects de la compétitivité, en particulier la compétitivité hors-coût, intrinsèquement difficile à mesurer mais susceptible d’être approximée en associant divers critères objectifs aux ventes de marchandises à l’exportation.

 

 

La France focalisée sur ses spécialisations ?

Appliquant un modèle de gravité sur un ensemble de données mondiales actualisées sur les flux commerciaux bilatéraux de biens, leur étude a donc évalué la composante hors-coût des exportations à un niveau sectoriel détaillé pour la France.

Bien que cette dernière présente une compétitivité hors-coût relativement élevée (11e rang parmi 37 pays de l’OCDE et de l’UE), ils observent qu’elle se serait détériorée plus particulièrement au sortir de la crise de 2008 mais avec des nuances majeures selon les secteurs étudiés. Parmi les 8 secteurs qui pèsent le plus dans le commerce français en valeur, la France est leader mondial dans 3 d’entre eux, à savoir l’aéronautique, les boissons et les cosmétiques.

Ces spécialisations tendent à avoir amélioré leurs propres avantages compétitifs au fil du temps et leurs contributions à l’image de marque des exportations françaises, y compris sur des sous segments très spécialisés, mais ils ne représentent en cumulé que ~19% de la valeur du commerce français et une part relativement faible du commerce mondial (1,8% pour l’aéronautique et 0,7% pour les boissons et les cosmétiques).

D’après les auteurs, la détérioration de la compétitivité hors-coût française serait bien plus nette sur les 5 autres secteurs clés, à savoir la mécanique, les équipements électriques, la pharmaceutique, la plasturgie et les véhicules.

Par contraste avec ses 3 secteurs de pointe, la France ne se situe qu’entre la 5e et la 13e position en termes de parts de marché à l’exportation pour ces secteurs, or ces marchandises représentent 39% de la valeur du commerce français et sont parmi les secteurs qui détiennent la plus grande importance au sein des flux du commerce mondial.

D’après les auteurs, augmenter la compétitivité hors-coût sur ces secteurs par divers leviers d’actions ciblés et mûrement réfléchis pourrait donc bénéficier au commerce extérieur français dans son ensemble. Privilégier des spécialisations haut de gamme reste une stratégie de protection payante mais elle pourrait s’avérer risquée face à la concurrence sur les prix qu’exercent les puissances émergentes, en particulier dans des contextes de crise.

 

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