Mis à jour le 02/01/2023

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2023 : récession ou renouveau ?

 

L’année 2022 aurait dû être celle de la sortie Covid, elle fut celle de la guerre Russie/Ukraine, de l’intensification de l’inflation et de la crise énergétique. Malgré cet environnement négatif, le commerce international a été plutôt résilient, et en septembre 2022, le commerce mondial de biens et services en volume était de 10% supérieur à son niveau pré-Covid. Ce bon niveau est le résultat de multiples facteurs : une demande latente postCovid, une réduction, bien que graduelle, des contraintes sur les chaînes d’approvisionnement et la reprise du tourisme (qui a également stimulé les exportations de services dans la plupart des régions).

 

 

 

Le commerce international a été d’autant plus résilient que l’environnement international était dégradé. Le maintien des mesures zéro-Covid a en effet limité la capacité de l’économie chinoise (faiblesse des exportations, contraction des importations), tandis que la guerre Russie/Ukraine a perturbé les flux commerciaux bilatéraux avec une diminution des échanges entre les économies développées et la Russie, partiellement compensés par une augmentation des échanges avec l’Asie (Chine, Turquie).

 

En revanche, et malgré cette résilience observée en 2022, les derniers indicateurs pointent vers un ralentissement de la croissance des échanges dans les prochains mois.
Ainsi, l’indicateur des échanges du Kiel Institute for the World Economy indique une contraction du commerce de marchandises en novembre 2022 (-2,4% en variation mensuelle), tandis que l’indice composite mondial de la production de J.P.Morgan est tombé à 48 en novembre (un niveau sous le seuil de 50 indiquant un risque decontraction de l’activité au cours du prochain trimestre). La production ayant chuté au rythme le plus rapide depuis près de deux ans et demi, à la suite d’une baisse des nouvelles commandes.

L’orientation du commerce international est ainsi plutôt négative en cette fin d’année, avec de nouvelles commandes à l’exportation se contractant pour le neuvième mois consécutif. Ces indicateurs, dans un contexte global encore incertain, posent la question d’un point de bascule et d’un nouvel environnement plus négatif qu’attendu, de nature à affecter les perspectives pour 2023.

 

Inflation : le pire est-il passé ?

 

La hausse de l’inflation, déjà présente en 2021, a été exacerbée par le conflit russo-ukrainien entraînant une forte hausse sur les prix alimentaires et énergétiques. Les taux d’inflation de économies développées et de la plupart des économies émergentes étant désormais proches des plus hauts observés pendant les années 90, les questions centrales pour 2023 seront de savoir si nous avons atteint le pic, et si oui, jusqu’où et à quelle vitesse l’inflation pourrait ralentir.

Si les contraintes initiales d’approvisionnement ne devraient plus autant pénaliser les prix des biens, la hausse du prix des services et la persistance des tensions sur les prix alimentaires continueront d’affecter l’évolution des prix. Nos modèles économiques confirment une moindre pression inflationniste, mais une décrue qui serait plus lente que prévu et très différenciée par pays. L’inflation devrait donc ralentir dans la plupart des économies en 2023 (déjà le cas aux Etats-Unis) mais elle restera très hétérogène selon les zones/pays (plus faible en Asie, en décélération mais élevée en Amérique latine, plus élevée en Europe et Afrique).

 

Hausse des taux d’intérêt : qui est à risque ?

 

Pour contrer cette problématique inflationniste, les banques centrales ont augmenté significativement les taux d’intérêt en 2022, avec des cycles de resserrement parmi les plus agressifs depuis 40 ans. Cette hausse est d’autant plus marquée pour les économies émergentes qui ont augmenté significativement leurs taux directeurs en amont de la hausse des taux de la Réserve fédérale américaine, le plus souvent pour protéger leurs monnaies de risques de dévaluations.

Le ralentissement attendu de l’inflation et de l’activité au cours des prochains trimestres laisse à penser que le resserrement monétaire est proche d’un point haut pour la plupart des économies. Mais attention, cette bonne nouvelle apparente se déroulerait dans un contexte de tensions sur les liquidités et la solvabilité, dans les économies développées suite à l’ajustement du secteur immobilier, et dans certains pays émergents où le resserrement monétaire américain et l’assèchement accéléré de la liquidité mondiale en dollar a créé des tensions aiguës en termes de risques de paiement et de change.

 

Crise énergétique : quelles implications directes ?

 

Un des risques supplémentaires entourant les perspectives 2023 réside dans les implications des perturbations énergétiques sur le scénario économique européen. La plupart des analyses menées à ce sujet, ainsi que nos modèles statistiques, indiquent qu’une fois encore, les implications seront très hétérogènes, et sensibles à la dépendance des pays vis-à-vis des importations d’énergie russe (l’Europe centrale et orientale, l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie étant plus vulnérables) et des secteurs aval intensifs (énergie, transports, métallurgie, industrie chimique).

Le scénario européen 2023 repose sur l’hypothèse que la pleine capacité des installations de stockage de gaz ne sera pas suffisante pour compenser l’interruption des livraisons de gaz russe. En tenant compte d’une certaine substitution par des sources d’énergies alternatives, la plupart des études montrent qu’une réduction de 20% de la demande énergétique serait nécessaire. Trois leviers sont disponibles pour ajuster cette demande :

  • réduire la consommation de gaz dans la production d’électricité,
  • réduire le chauffage des bâtiments
  • et réduire et substituer la consommation de gaz dans l’industrie.

A date, les réductions de la demande sont significatives et laissent à penser que les effets économiques de la crise énergétique pourraient être amortis par une certaine substitution et resteraient minimes. Il faut toutefois garder en tête que même si les approvisionnements s’avèrent suffisants pour l’hiver 2023, les problématiques perdureront probablement à minima jusqu’à l’hiver 2023- 2024, et donc maintiendront une pression forte sur les prix de l’électricité.

 

Perspectives : 2023 sera-t-elle l’année de la récession ?

 

Inflation en baisse mais toujours élevée, craintes sur le pouvoir d’achat, endettement important, resserrement rapide des politiques monétaires, volatilité financière : il existe une probabilité croissante que l’économie mondiale tombe en récession en 2023.

Certes, les données récentes sur l’activité aux États-Unis et en Europe sont plutôt résilientes. Mais la plupart des données d’enquêtes sont désormais cohérentes avec une contraction de l’activité dans les économies développées au cours des prochains trimestres. La croissance en volume des échanges mondiaux devrait ainsi ralentir, sur fond de modération de la demande. Le redémarrage de la croissance en Chine contribuera à compenser en partie le fléchissement de l’activité mais la demande d’importations resterait limitée dans de nombreux pays importateurs de matières premières.

La plupart des économies développées entreront probablement en récession au cours du premier semestre 2023. Cette récession sera cependant bien plus modérée que les dernières crises économiques mondiales (crise financière de 2007-2008 ou crise Covid de 2020) et plus courte, avec une reprise attendue au cours du second semestre 2023 (rendue possible par une amélioration du pouvoir d’achat). Cependant, alors que la récession aux États-Unis devrait être relativement faible (proche de 0% en 2023), la zone euro subira un ralentissement plus important en raison notamment de l’impact de la guerre en Ukraine (contraction de la croissance autour de -0,5% en 2023), et d’une plus forte sensibilité de la conjoncture aux pressions inflationnistes.

Les grandes économies émergentes feront plutôt preuve de résilience. Dans l’ensemble, les petits marchés émergents sont plus vulnérables à d’éventuels problèmes de solvabilité importants en raison de leurs difficultés à accumuler des réserves de change, tandis que les marchés de taille moyenne sont plus exposés aux tensions de change en raison de la combinaison défavorable d’une dette extérieure à court terme plus élevée et d’une surévaluation relative de la monnaie. Une crise globale émergente n’est pas le scénario central pour 2023, mais le choix économique restera plus marqué sur les pays à faible revenu. Une résurgence des problèmes de liquidité pourrait aussi se produire au Kazakhstan, au Laos, au Mozambique et au Sri Lanka (en défaut de paiement sur sa dette extérieure depuis avril 2022), et des risques plus élevés de dépréciation de la monnaie pourraient toucher le Bangladesh, le Cambodge, le Congo, la République tchèque, l’Inde, la Mongolie, le Népal et les Seychelles.

 

Chine : sortie zéro-Covid ?

 

Le cycle de l’économie chinoise aura été désynchronisé des autres économies en 2022, après un rebond marqué en 2021 : un choc Covid avant les autres, une sortie Covid plus rapide, mais aussi un atterrissage/ralentissement de la croissance économique observé dès 2022. Les restrictions sanitaires liées à la stratégie zéro-Covid limitant l’expansion de l’activité.

Les perspectives se sont améliorées fin 2022, le gouvernement ayant entrepris des mesures pour alléger les restrictions sanitaires. Cependant, ces mesures pourraient avoir un coût sanitaire et humain élevé à court terme. L’expérience des économies asiatiques suggère en effet que la Chine pourrait connaître de nouvelles vagues d’infections assez sévères (ordre de grandeur des décès estimé entre 500 000 et 1,5 million de personnes) lors de sa réouverture, ce qui perturberait à court terme l’économie.

En outre, l’économie chinoise reste confrontée à des difficultés conjoncturelles et structurelles importantes, notamment sur le secteur immobilier. Si les perspectives 2023 sont meilleures qu’attendues et joueront le rôle de moteur de croissance face à la décélération de l’activité dans les économies développées, il ne doit pas masquer des vulnérabilités persistantes de l’économie chinoise.