Mis à jour le 24/09/2025

 / 

Ce contenu est obsolète. Dans un souci constant de pertinence et de qualité, BCI choisit de mettre en ligne des informations récentes. Nous vous invitons à formuler une nouvelle requête dans la barre de recherche du site de BCI.

La profession comptable examine attentivement les circonstances qui pourraient conduire les investissements dans le capital naturel à se refléter dans les bilans des entreprises.

Pour le secteur privé, la phase suivante n’en est toutefois qu’à ses débuts, à savoir l’intégration opérationnelle des plans d’action adoptés aux échelles locale, régionale, nationale ou internationale en matière de biodiversité.

À ce stade, ce qui devrait mobiliser l’attention des industriels, ce sont les nouvelles exigences pour les multinationales et les institutions financières de surveiller, d’évaluer et de divulguer de manière transparente les risques et impacts liés à la biodiversité à travers l’ensemble de leurs activités, portefeuilles, chaînes d’approvisionnement et chaînes de valeur.

 

Un nouveaux cadre directeur pour clé de voûte

 

Dans le sillage du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal adopté lors de la 15e conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique en décembre 2022, la biodiversité a plus que jamais été à l’ordre du jour pour la communauté internationale intéressée par l’ESG en 2023. Une dynamique se met en place au niveau des gouvernements et des décideurs politiques à la suite de l’adoption de ce Cadre mondial pour la biodiversité, qui définit quatre objectifs mondiaux jugés primordiaux pour protéger la nature :

  • mettre un terme à l’extinction d’origine humaine des espèces menacées et diviser par dix le taux d’extinction de toutes les espèces d’ici 2050 ;
  • assurer une utilisation et une gestion durables de la biodiversité afin que les contributions de la nature aux populations soient valorisées, maintenues et renforcées ;
  • partager équitablement les avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques et des informations de séquençage numérique des ressources génétiques ;
  • et rendre la mise en œuvre accessible à toutes les parties prenantes, en particulier aux pays les moins avancés et aux États insulaires en développement.

Le cadre fixe par ailleurs 23 objectifs à atteindre d’ici 2030, parmi lesquels on retrouve :

  • la conservation et la gestion d’au moins 30% des terres, des zones côtières et des océans (à l’heure actuelle 17% des terres et 8% des zones marines seraient protégées) ;
  • l’élimination progressive ou la réforme des subventions de projets qui nuisent à la biodiversité;
  •  le renforcement des incitations positives en faveur de la conservation et de l’utilisation durable de la biodiversité ;
  • et la mobilisation d’au moins 200 Mds$ par an, provenant de sources publiques et privées, pour financer les activités liées à la biodiversité.

 

Collecter les données, essentiel pour évaluer

 

Approuvé par les États membres de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques au cours de l’été 2022, l’Assessment Report on the Diverse Values and Valuation of Nature a constaté que l’accent mis sur les profits à court terme tend à empêcher la prise en compte des multiples valeurs de la nature.

Afin d’améliorer la prise de décision politique, les auteurs du rapport ont donc compilé ~13 000 références pour proposer une typologie inédite et complète d’évaluation de la nature en s’appuyant sur ~50 méthodes d’évaluation et d’approches visant à rendre visibles ces différentes valeurs de la nature.

En parallèle, les États se dotent de lignes directrices plus solides pour évaluer et valoriser la nature en question. Au sein de l’Union européenne, le règlement Sustainable Finance Disclosure exige désormais la publication d’informations sur les principaux impacts négatifs liés à la biodiversité. Entré en vigueur en janvier 2023, il s’applique à tous les services financiers et à tous les investisseurs de l’Union.

De plus, la Directive sur le reporting de durabilité des sociétés et la Norme de reporting sur le développement durable doivent améliorer la communication d’informations sur la biodiversité au niveau des entreprises elles-mêmes. Toutes les grandes entreprises de l’UE et les entreprises non européennes ayant une présence significative dans l’UE devront ainsi publier des données spécifiques concernant aussi bien l’impact de leurs activités sur la perte de biodiversité que l’impact de la perte de biodiversité sur leurs activités.

Ces données, qui devraient être communiquées à partir de 2025 par les entreprises concernées, devraient contribuer à combler le manque de données sur la biodiversité. Ces derniers mois, la biodiversité progresse également à l’agenda politique des USA. En novembre 2022, l’administration Biden-Harris a ainsi publié Nature-Based Solutions Roadmap, une feuille de route qui recommande des actions telles que la mise à jour des politiques et le déblocage de fonds pour accroître le déploiement de solutions fondées sur la nature afin de lutter contre le changement climatique.

En janvier 2023, ce document a été suivi par la publication de la National Strategy to Develop Statistics for Environmental-Economic Decisions. Considérée comme « historique », cette feuille de route donne le coup d’envoi d’un effort pluriannuel visant à inscrire pour la première fois la nature au bilan de la nation américaine. Elle place ainsi l’accent sur le besoin de données de meilleure qualité afin de comprendre les contributions essentielles de la nature à l’économie américaine et d’orienter les décisions politiques et commerciales à l’avenir.

 

Un “marché de la nature” en phase d’émergence ?

 

Investisseurs, startups, ONGs, chercheurs et journalistes prennent bonne note de la montée de la biodiversité dans les préoccupations des États et des entreprises mais continuent de pointer le besoin d’outils fiables de suivi et de partage des meilleures pratiques en matière de biodiversité.

Malgré son importance opérationnelle et la démultiplication d’initiatives depuis la ratification de la Convention sur la diversité biologique en 1992, la biodiversité est longtemps restée un angle mort pour les entreprises. Nombre d’entre elles peinent encore à appréhender les impacts de leurs activités sur la nature et leurs dépendances vis-à-vis de la biodiversité. Pour combler ces lacunes et aider les entreprises et les institutions financières à respecter leurs engagements en faveur de la biodiversité, les ONGs et les grandes entreprises ont démultiplié les collaborations et coalitions ces dernières années.

Fruits de ces partenariats au long cours, plusieurs outils très attendus ont été finalisés en 2023 pour harmoniser la divulgation par les entreprises des risques et opportunités liés à la biodiversité, telles les propositions de l’International Sustainability Standards Board, celles de la Taskforce on Naturerelated Financial Disclosures ou encore celles du Science Based Targets Network.

Pour peu que la nature soit reconnue comme un « actif » à part entière, les startups qui innovent au service de la nature et de son évaluation pourraient de leur côté devenir une cible d’investissement plus importante. Bien qu’il n’existe pas encore de normes internationales en la matière, elles devraient chercher à appuyer la quête de revendications « mesurables », si ce n’est d’actifs négociables de type « biocrédits », à l’instar du marché du carbone, avec lequel la biodiversité converge déjà parfois.